La Baule+

la baule+ 36 | Mai 2024 La Baule+ : Nous nous rencontrons au Château des Tourelles, à Pornichet, mais vous êtes surtout connu pour vos affinités avec le Sudouest… Bruno Solo : J’ai beaucoup d’affinités avec l’Atlantique, de la Bretagne au Pays basque. Il y a une sorte de liaison invisible, avec toutes ces communes, et je me sens proche de cette ligne. Je suis fondamentalement un homme de l’Atlantique. Ensuite, je suis souvent venu tourner entre La Baule et Pornichet. Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser à l’histoire ? C’est mon passé et ma culture. J’ai toujours été passionné par l’histoire. J’ai eu des professeurs formidables, notamment entre la sixième et la troisième. J’ai une mémoire photographique qui me permet de retenir assez facilement les dates et j’ai toujours eu une vision d’ensemble. Cela me confère une vue chronologique, donc je sais tout le temps où je me situe par rapport au présent. J’ai toujours eu ce sentiment très fort que pour mieux comprendre les événements d’aujourd’hui, il fallait en connaître les causes. C’est l’histoire qui nous éclaire le plus là-dessus. Il y a quelques années, j’ai eu l’occasion de faire une émission d’histoire à la télévision. J’ai tout de suite répondu positivement et c’est ainsi que j’ai lancé «La Guerre des trônes ». Histoire ► Rencontre avec un acteur et auteur passionné au Château des Tourelles Bruno Solo : « Connaître l’histoire, cela permet d’être moins manichéen. » Bruno Solo est comédien, auteur, réalisateur et surtout féru d’histoire. Il aime bien venir sur la presqu’île guérandaise et c’est au Château des Tourelles, à Pornichet, que nous l’avons retrouvé. Bruno Solo vient de publier « Le voyageur d’Histoire », un ouvrage dans lequel il nous fait traverser le temps pour mieux connaître des personnalités historiques. « Le voyageur d’histoire » de Bruno Solo est publié aux Éditions du Rocher. Vous pouvez parfois laisser libre cours à votre imagination, donc le débat est permanent… Par exemple, dans la série américaine sur Louis XIV, le frère du Roi est présenté comme très efféminé, alors que dans votre émission, c’est beaucoup plus discret et il faut savoir qu’il est homosexuel pour percevoir les allusions… Effectivement, en s’appuyant sur les documents et le travail des historiens - je ne suis qu’un narrateur - on peut laisser libre cours à son interprétation. On n’est pas obligé d’appuyer quelque chose d’aussi évident. Tout le monde savait qu’il était attiré par les hommes. On l’appelait Monsieur, presque par ironie, mais c’était aussi un politique accompli, un diplomate très fin et un guerrier formidable. Louis XIV n’a pas suffisamment rendu honneur à ses exploits, notamment dans la Galerie des Glaces, malheureusement, alors que fondamentalement il aimait son frère et il savait que c’était un stratège formidable. Il a fallu que les historiens aillent chercher des documents prouvant à quel point Monsieur a été essentiel dans le règne de Louis XIV. C’est ce que nous avons voulu appuyer dans l’émission. Évidemment, c’est un point de vue et d’autres peuvent s’intéresser à d’autres choses, mais nous avons voulu être honnêtes avec ce personnage. J’ai aussi insisté sur la grande erreur fondamentale du règne de Louis XIV, qui n’est pas toujours retenue : c’est la révocation de l’Edit de Nantes et c’est pour moi la tache indélébile de son règne. C’est une erreur fondamentale. Il a fait cela pour de mauvaises raisons. Les historiens ont longtemps cru que c’était Madame de Maintenon qui l’avait poussé à bouter les protestants hors de France, alors qu’ils vivaient à peu près en concorde grâce à l’Edit de Nantes d’Henri IV. J’ai trouvé scandaleux que l’on dise pendant longtemps que c’était Madame de Maintenon, alors qu’elle ne lui a jamais demandé cela. Elle lui a simplement demandé d’être un peu plus dévot et un peu plus proche de Dieu, après des années de débauche. C’est Louis XIV, pour faire du zèle, pour se faire pardonner de Dieu, qui a voulu pourchasser les protestants. C’est une initiative très personnelle. Donc, je trouve scandaleux que l’on ait attribué cela à Madame de Maintenon. Il s’est vengé de manière encore plus violente auprès des protestants ensuite. C’était quelque chose de terrible et j’ai vraiment voulu insister là-dessus car, de mon point de vue, c’est quelque chose d’important. La conséquence d’un déroulement logique d’une vieille histoire Cette passion pour l’histoire vous amène-t-elle à analyser l’actualité différemment, notamment sur l’angle géopolitique ? Par exemple, dans le contexte de nos relations avec le Maroc, il faut savoir que Louis XIV avait autorisé les ambassadeurs du Maroc à utiliser une pièce du château de Versailles pour prier vers La Mecque… C’est très important, l’histoire nous rend lucides, même sans devenir un historien, simplement en s’y intéressant. Cela éclaire notre époque. L’histoire permet de tempérer nos émotions, nos colères et les jugements hâtifs que l’on peut avoir sur un événement. On comprend que c’est la conséquence d’un déroulement logique d’une vieille histoire qui fait que l’on en arrive là. Cela permet d’avoir un raisonnement un peu plus serein et la bonne distance sur les choses. Dès que je me sens perdu par une information, j’ai la curiosité d’en savoir un petit peu plus et je cherche pourquoi on en est arrivé là. Par exemple, sur la Russie, dès que l’on étudie ce qui s’est passé en Crimée et dans le Donbass, sur des siècles et des siècles, cela ne me permet pas de trouver une solution, mais je suis moins submergé par la panique. Connaître l’histoire, cela permet d’être moins manichéen en désignant un méchant et un juste. C’est une béquille indispensable à mon épanouissement quotidien. J’observe aussi que vous avez toujours eu une volonté de vous intéresser à des gens qui travaillent sur un temps long et qui gouvernent pour les générations futures. Est-ce ce qui nous distingue des politiques d’aujourd’hui ? Aujourd’hui, il y a les réseaux sociaux et l’information continue. On est dans l’incapacité de traiter autre chose que des temps courts et des émotions immédiates. Rien n’est fait pour nous obliger à avoir davantage de sang-froid. Avec le recul, on se rend compte que ces personnages se projetaient un peu plus loin. Déjà, l’information mettait du temps à circuler et, lorsqu’une bataille s’étendait sur un front de cent kilomètres, pour que l’information remonte, cela demandait un certain temps. Quand il y avait une révolution en Russie, à l’époque

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