La Baule+

la flamme ne fasse pas que passer. Passer de main en main, de ville en village comme une banale animation estivale de plus. « Un corps sain dans un esprit sain », quelque chose comme un autre théorème de Thalès, repris par Juvénal dit-on, précepte donc très ancien mais opportunément revitalisé par le promoteur des Jeux modernes, Pierre de Coubertin. Esprit sain, corps sain, voilà la règle d’or que nous rappellent ces Jeux. Pour ce qui est du corps sain, on n’est pas inquiet. On nous farcit tant la tête d’injonctions de tempérance, de précautions alimentaires, de programmes d’agitation corporelle en tous sens, que nous devrions tous être à présent, quel que soit notre âge, dans une forme des plus olympiques, justement. Tenons donc cela pour acquis. En revanche, pour ce qui est l’esprit sain, il y aurait à dire et à faire. La flamme du bon sens, de la raison, de l’intelligence heureuse a devant elle un énorme chantier. Qui le nierait ? On pourrait s’amuser à établir une liste des lieux où elle ferait bien de s’attarder. Sciences Po Paris paraît s’imposer d’évidence. Spectacle des plus navrants mais aussi des plus intéressants. L’élite en devenir qui s’autoflagelle à grands coups de haine dogmatique, de vérités fabriquées, d’ignorance qui se voudrait vertu, qui se vautre dans une soumission d’esprit telle que ses champions mériteraient la médaille d’or toute catégorie de la lâcheté et de l’abandon. Une apprentie élite honteuse d’elle-même, qui se punit d’être là où elle est, d’être ce qu’elle est et ce qu’elle est appelée à être. Ces jeunes éperdus de révolte à bas coût m’amusent. Tristement, mais pourtant ils m’amusent. Car, bien entendu, leur haine, factice, sera de courte durée et brûlera moins longtemps encore que la flamme de la torche olympique. Ne nous faisons aucune illusion à ce propos. Lorsque sonnera pour eux l’heure d’entrer dans la carrière, ils sauront rengainer les beaux principes, les crâneuses bravades, les pompeuses diatribes et les slogans ravageurs dans la malle aux accessoires de carnaval. Pardonnez-moi, mais là, je parle d’expérience. En 68, j’étais étudiant, à l’université, pas à Sciences Po. Cependant, je fréquentais un groupe de cette belle école et j’assistais à leurs fameux amphis libres, ces orgies de loghorrée, triomphe puéril et stérile de la phraséologie, pour reprendre un terme très en vogue à l’époque. Il n’était alors question que d’en finir une fois pour toutes avec l’État bourgeois, de le renverser, le fouler aux pieds, le jeter aux flammes, celles du bûcher en la circonstance. Ils étaient une quinzaine de Sciences Po dans ce groupe. Eh bien, tous - je dis bien tous, sans exception ! - ont passé les quarante années qui ont suivi à se laisser nourrir par cet État bourgeois - plutôt bien d’ailleurs - dont ils auront été les dociles contributeurs. D’une soumission l’autre en quelque sorte. Je vous fiche mon billet qu’il en sera de même pour ceux évoqués ici. Leur braillarde soumission d’aujourd’hui aux dogmes dont le prêt à penser du wokisme ultra gauchiste les gave n’est que l’amorce de celle à venir, sous laquelle ils feront leur chemin, leur proprette carrière, en petit costard cintré et souliers pointus. Lénine avait en son temps pondu un texte qui m’a toujours ravi: « Le gauchisme, maladie infantile du communisme ». Maladie infantile, absolument. Certainement pas du communisme ici. Mais bien plutôt du conformisme bobo, celui qui fait merveille dans les ministères actuels et leurs annexes, les rédactions de certains médias d’État. Davantage catégorie filles publiques que service public au demeurant, ces rédactions. Bref, souhaitons que la flamme d’Olympie passant par là parvienne à apporter un peu de lumière. On peut rêver. Un brin d’utopie par-ci par-là n’a jamais fait de mal à personne. la baule+ 26 | Mai 2024 Flamme et lumière Humeur ► Le billet de Dominique Labarrière La flamme olympique a entamé son long périple qui, d’Olympie, la conduira à Paris, naviguant un temps à bord du splendide Belem. Si les vents s’en mêlent, qu’ils soient bons. Voilà le vœu que nous formons. Qu’ils le soient aussi pour les Jeux euxmêmes. Que ce soit une fête. Une fête sans autre drame que celui que vit le sportif qui voit son rêve s’envoler au dernier moment sur une blessure idiote. Ainsi, la flamme chemine. La flamme, oui, mais la lumière ? La lumière, ce dont nous avons un bien grand besoin dans ces temps d’obscurantisme, de ténèbres plus ou moins rampantes. Des milliers de porteurs, connus ou anonymes, se relaient pour la porter. Je crois qu’on les appelle les éclaireurs. Qu’ils le soient éclaireurs. Et que Philippe Le Bel : l’État, c’est lui ! Philippe Le Bel n’est pas le roi le mieux connu ni le plus aimé des Français. Pourtant on peut dire de lui que, tout au long de ses quelque trente années de règne à la fin du XIIIe siècle et au tout début du XIVe siècle, il se sera employé à fonder les bases de l’État tel que nous le concevons aujourd’hui. L’invention de la chambre des comptes, du parlement en tant qu’instance permanente et sédentaire, d’une monnaie royale (autrement dit, d’État), d’une première approche des états généraux, c’est à lui qu’on doit cela. On lui doit aussi la laïcisation des instances de pouvoir et l’affirmation de la suprématie de la couronne sur le Vatican quant aux affaires temporelles du royaume. Mais qui dit État dit raison d’État, et c’est bien sous cette bannière-là que Philippe Le Bel conduira ses luttes sans merci contre le pape Boniface VIII et que, surtout, au cours de sept années d’une procédure où le cynisme le dispute au génie procédurier - modèle type du « procès politique » - il parviendra à éliminer l’ordre des Templiers. Philippe IV dit Le Bel - le Roi de Fer, le pape, les Templiers, éditions Lanore, collection Poche Histoire. Le nouvel ouvrage historique de Dominique Labarrière

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