la baule+ 18 // Septembre 2022 Témoignage exclusif ► Les provocations d’un journaliste français à la télévision russe Léo Nicolian : « J’ai été mis en garde à vue à 48 reprises depuis ma première rencontre avec Emmanuel Macron en 2019. » Le passage de Léo Nicolian à la télévision russe a été vu par plus de 100 millions de téléspectateurs et la vidéo de son intervention par plus de 400 millions de personnes. Le journaliste et reporter de guerre, connu pour ses provocations, a séjourné plusieurs semaines en Russie à l’invitation de Vladimir Poutine et il a été l’une des dernières personnes à côtoyer Daria Douguine avant son assassinat. A la télévision russe, il a évoqué la colère du peuple français, la condition des milliers de personnes qui dorment dans la rue, la répression contre les Gilets jaunes... Certes, de tels propos peuvent choquer bon nombre de Français car Léo Nicolian est revenu en France sans être embastillé, alors qu’un journaliste russe qui aurait fait la même chose aurait sans doute fini au goulag… Mais le rôle d’un média libre et attaché à la liberté d’expression est aussi de l’interroger sur ce point et c’est ce que nous avons fait. Léo Nicolian a refusé de nombreuses invitations, il a toutefois accepté de répondre à Yannick Urrien sur Kernews. Un entretien exclusif. La Baule + : Vous êtes d’origine arménienne et libanaise, vous parlez neuf langues et vous avez couvert de nombreux théâtres de guerre… LéoNicolian : Je parle neuf langues parce que je suis passionné par les cultures étrangères. Mes origines arméniennes et ma naissance au Liban m’ont déjà permis de parler trois langues, le français avant tout, puisque toute ma famille est francophone depuis 1803. Nous sommes la première famille arménienne installée au Liban, mais nous avons la France dans notre cœur. J’ai parcouru le monde en tant que reporter de guerre et spécialiste en géopolitique internationale. On me traite aussi de complotiste parce que je n’ai pas ma langue dans ma poche. Je suis très souvent à l’Assemblée nationale et, lorsque quelque chose ne va pas, je dis clairement leur vérité aux hommes politiques, parfois maladroitement, mais ce n’est qu’un cri de désespoir et de vérité quand je vois où va la France. Comme vous avez su le faire avec Emmanuel Macron… Je l’ai rencontré à Amiens, le 22 novembre 2019, jour anniversaire de l’indépendance du Liban. Je l’ai interrogé sur ce sujet, mais il m’a répondu très maladroitement. J’étais le seul à avoir cette vidéo et l’AFP a reçu des consignes en disant qu’il fallait la mettre sous embargo. J’ai revu Emmanuel Macron à Paris et j’ai sorti mes quatre vérités. C’était vraiment houleux, sans aucune insulte et sans aucune violence, évidemment, mais il s’est senti humilié et cela m’a valu 22 gardes à vue et 3 procès. Il y a évidemment eu son passage au Liban et les médias se sont bien gardés de montrer les dizaines de milliers de manifestants. Ces gens criaient leur amour pour la France tout en critiquant Emmanuel Macron. Nous sommes tous frères en humanité et une mort est une douleur, que ce soit un Ukrainien ou un Russe Vous venez de passer plusieurs semaines en Russie, où vous avez pu rencontrer Vladimir Poutine qui vous a fait intervenir sur la première chaîne de télévision russe. Avant cela, évoquons l’assassinat de Daria Douguine que vous avez très bien connue… D’abord, c’était une grande francophone, elle aimait beaucoup la France. Elle a fait ses études de journalisme entre Bordeaux et Toulouse, elle a connu beaucoup de monde, dans tous les bords politiques. Je connaissais cette femme depuis très longtemps et je suis très ému. Elle m’avait invité à l’ouverture du sommet Russie - Afrique qui s’est déroulé en juin dernier et, selon moi, c’est pour cette raison qu’elle était ciblée. À travers cela, on a réussi à dire aux Russes : «On est capable de faire des attentats sur votre sol ». Ce crime a fait la une de tous les médias internationaux, mais la mort de cette belle jeune femme n’a ému personne en Occident : donc, la mort est sélective selon nos pensées... Mais peu importent notre nationalité, notre religion ou notre couleur de peau, nous sommes tous frères en humanité et une mort est une douleur, que ce soit un Ukrainien ou un Russe, surtout quand ce sont des enfants. C’est pour cette raison que je suis devenu reporter de guerre. J’ai vécu la guerre civile du Liban dans mon enfance et c’était atroce. Peut-on dire que son père, Alexandre Douguine, est une sorte de BHL russe ? C’est l’image que l’on en donne en France. Ce n’est pas Raspoutine, Vladimir Jirinovski était beaucoup plus virulent. La cible n’était pas du tout Alexandre Douguine, mais bel et bien sa fille. C’est un patriote russe qui aime son pays. Il n’était pas aussi célèbre qu’on veut bien le dire, l’écrasante majorité des Russes n’en avait jamais entendu parler. Il était connu dans un cercle restreint de penseurs et d’intellectuels. Il avait ses livres, dont certains étaient interdits en Ukraine, puisqu’il avait notamment écrit qu’il était hors de question, pour la grande famille de la Russie, de perdre la sœur ukrainienne au profit de l’OTAN et des Américains. La cible n’était pas du tout Alexandre Douguine, mais bel et bien sa fille. C’est comme si l’on s’en prenait aujourd’hui à Jean-Marie Le Pen qui n’est plus rien. En réalité, c’est sa fille, Daria, qui était visée. J’ai eu Alexandre Douguine à sa sortie de l’hôpital, le soir même de l’attentat contre sa fille, puisqu’il a été hospitalisé pour un malaise cardiaque. Alexandre est un homme âgé et ce n’est pas l’influenceur de Poutine, comme le disent les médias français, car Poutine n’a besoin de personne pour avoir ses propres idées. Daria était une femme jeune, très ambitieuse et très intelligente. Elle travaillait depuis des années à l’international, surtout avec les Africains francophones. Elle expliquait que les États-Unis voulaient imposer leur façon de voir dans le monde entier, ce qui n’est pas faux d’ailleurs. Dans ma jeunesse, j’ai été élevé dans un sentiment anti-rouges et anti-communistes mais, avec le temps, je me suis éveillé intellectuellement. Malheureusement, les Français gobent tout ce que les médias traditionnels leur disent, alors qu’il est facile de chercher des informations sur Internet. Quand vous avez une information, il suffit de voir comment elle est traitée au Brésil, en Russie, en Afrique ou dans le monde arabe, pour avoir sa propre analyse. J’ai vu le chaos en Irak, j’ai vu le chaos en Afghanistan, tout cela pour des intérêts financiers. J’avais des visions communes avec Daria. Nous n’étions pas d’accord sur tout, mais j’ai trouvé que cette fille était vraiment très intelligente. Elle travaillait sur l’Afrique francophone, c’est pour cette raison qu’Emmanuel Macron a tenté de rattraper les pots cassés il y a quelques semaines. Le dernier soldat français a quitté le Mali, mais l’armée française n’est toujours pas rapatriée en France puisqu’elle est au Niger car nous avons besoin d’uranium pour nos centrales nucléaires. Il y a un certain nombre de pays qui sont en train de quitter la zone d’influence politique de l’Occident, et de la France, pour se rapprocher de la Russie et des BRICS. Daria ne voulait pas que le monde entier soit sous la coupe des mondialistes américains et de leurs valets étrangers. Il y a eu des ordres pour que personne n’en parle dans les médias traditionnels… Vous avez été invité par Vladimir Poutine à séjourner plusieurs semaines en Russie et il vous a même fait intervenir sur la première chaîne russe à une heure de très grande écoute… C’était un peu l’équivalent de l’émission La Marche du Siècle, qui n’existe plus, avec des reportages, des débats et un invité sur le plateau. C’était fin mai, lors de mon premier séjour. C’était la croix et la bannière pour se rendre en Russie, puisqu’il fallait transiter par quatre pays, dont l’Arménie qui était mon point de chute. C’est une émission de deux heures, c’est le talk-show
RkJQdWJsaXNoZXIy MTEyOTQ2