La Baule+

la baule+ 20 // Mars 2022 Humour ► La troupe du Théâtre des Deux Ânes présente « Elysez-Nous » à Atlantia Jacques Mailhot : « Le public baulois est averti et il a l’expérience de la vie. » Jacques Mailhot est un chansonnier culte. Homme de radio, de théâtre, écrivain, comédien, il est également à la tête du Théâtre des Deux Ânes. Son nouveau spectacle, « Elysez-nous », est évidemment d’actualité. Accompagné de la troupe du Théâtre des Deux Ânes, Jacques Mailhot traite de l’élection présidentielle avec l’humour qui le caractérise. Le spectacle est présenté au Théâtre des Deux Ânes à Paris et il se délocalisera le samedi 9 avril sur la scène du Palais des Congrès Atlantia de La Baule. La Baule + : Votre spectacle évolue-t-il de jour en jour en fonction de l’actualité ? Jacques Mailhot : Il évolue beaucoup en fonction de la campagne présidentielle et il a même quelquefois du mal à suivre le nombre de candidats socialistes qui se déclarent au fil des jours... À mon avis, il y aura bientôt plus de candidats que d’électeurs... En plus, l’abstention monte progressivement. Plus il y a de candidats, plus il y a d’abstentionnistes, c’est un peu dommage. Donc le spectacle évolue autour de tous ces paramètres et de tous ces gens qui ont du mal à décoller. Il y a évidemment ceux qui sont en tête du peloton et qui se disputent la deuxième place du podium. Pour faire rire, on a besoin que le public ait des références sur nos cibles Pendant longtemps, on a connu des candidats très institutionnalisés, comme Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac, Raymond Barre, François Mitterrand ou Jean-Marie Le Pen. On pouvait les suivre pendant presque des décennies, alors que maintenant il y a de nouveaux noms, le zapping est plus important, les notoriétés sont plus éphémères… C’est un peu plus difficile, effectivement, parce que parler au public de gens qu’il ne connaît pas, c’est toujours problématique. Pour faire rire, on a besoin que le public ait des références sur nos cibles. Donc, on est un peu plus superficiel, on parle plus d’eux à travers leurs prestations télévisées, qu’à travers leurs programmes que les spectateurs ne connaissent pas. Des phrases comme « Taisez-vous Elkabbach » étaient connues de toutes les générations… On n’a plus cela aujourd’hui… Effectivement, on n’a plus ces vieux crocodiles du marigot politique qui étaient assez exceptionnels. Ils étaient beaucoup plus truculents que nos énarques d’aujourd’hui. Ce sont des gens qui ont fait des carrières politiques très longues. C’étaient des vieux routiers. On n’a plus cela aujourd’hui. Le symptôme, ce sont les députés En Marche, dont on voit le manque d’épaisseur : ils sont tellement transparents que l’on voit à travers… Fabien Roussel, est-ce Georges Marchais qui est en train de revenir ? Je le pense. Il a ce côté-là. Il a été à bonne école puisqu’il a travaillé pendant très longtemps avec Alain Bocquet dans le nord de la France, donc il a été formé par la génération Marchais. On le retrouve dans son comportement, avec son côté fromage et vin rouge. Dans son programme, on retrouve les valeurs profondes du Parti communiste, c’està-dire s’intéresser à l’ouvrier. Le problème, c’est qu’il n’y a plus beaucoup d’ouvriers, malheureusement, mais il demande un salaire décent pour les travailleurs et la sécurité pour tous. Ce sont des valeurs que l’on retrouvait bien avant Georges Marchais. Je pense que Waldeck Rochet, c’était déjà ça. Il n’y a que sur l’immigration où ce n’est plus du tout Georges Marchais car, sur ce point, ce dernier serait sans doute plus proche d’Éric Zemmour… Oui, mais Georges Marchais n’était pas concerné par l’immigration, qui n’était pas à une ampleur que nous connaissons aujourd’hui. Donc, c’était presque un non-sujet à l’époque. Aujourd’hui, c’est un problème qui se pose à la société et, c’est vrai, on est plus chez Zemmour. Pourtant, dans les années 80, les maires communistes faisaient détruire des foyers d’immigrés à la pelleteuse en disant qu’ils n’en voulaient pas chez eux et c’étaient les gens de droite qui s’insurgeaient contre leur xénophobie… Tout à fait. C’est vrai, le Parti communiste de l’époque était très cocardier. La preuve, aujourd’hui, ce sont les communistes qui défendent les centrales nucléaires françaises, parce qu’il y a beaucoup d’employés d’EDF qui sont syndiqués CGT ou membres du Parti communiste. On voit bien l’évolution des idées... Lorsque vous préparez vos interventions, c’est peut-être plus facile maintenant : il suffit de réciter les comptes rendus de l’Assemblée nationale, ou les déclarations de certains ministres, et cela fait déjà rire la salle… C’est vrai. Il y a aussi les propos que nos élus tiennent sur les réseaux sociaux. Il y a des tweets dévastateurs qui sont régulièrement envoyés par des élus, qui effacent leurs messages après, sans se rendre compte de la portée de ce qu’ils disent. Les tweets ne sont pas des SMS. On se souvient des tweets de Roselyne Bachelot et de plein d’autres, comme Nadine Morano, qui ont fait rire la France entière. On se sert aussi de ça... Nous ne sommes pas là pour invectiver les gens ou pour prendre parti Vous faites rire dans la tradition des chansonniers, toujours avec gentillesse et bonhomie, alors que nous sommes à une époque où l’on persifle dans la méchanceté, l’invective et le clanisme. Les jeunes générations d’humoristes sont d’extrême droite ou d’extrême gauche. N’est-il pas plus difficile de respecter aujourd’hui cet héritage des chansonniers ? On est dans la polémique, on n’est plus du tout dans l’humour. C’est le problème. Les chansonniers sont toujours là pour faire rire leurs contemporains. Nous ne sommes pas là pour invectiver les gens ou pour prendre parti, mais pour distraire le public. Nous sommes les Feydeau de la politique. Les jeunes d’aujourd’hui confondent militantisme et humour. C’est pour cela que beaucoup d’humoristes aujourd’hui ne sont pas toujours très drôles, parce qu’ils militent plus qu’ils ne font rire. Il est plus difficile de faire rire que de militer, je peux vous le dire ! Mais ils sont drôles pour leur propre camp… Oui. Cela n’a pas grand intérêt, parce que cela ressemble plus à un meeting politique ou à une réunion de préau d’école, qu’à un spectacle. Le spectacle

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