La Baule+

la baule+ 32 // Décembre 2022 Histoire ► L’écrivain et philosophe décrit les secrets de la relation entre Louis XIV et Molière La Baule+ : Dès sa création et jusqu’à aujourd’hui, Tartuffe, comédie majeure de Molière, a fait l’objet de discussions animées où les uns et les autres s’opposent autour des véritables intentions de l’auteur, et, surtout, autour du rôle qu’a pu jouer le Roi dans cette affaire plutôt complexe, mais que vous parvenez à rendre parfaitement claire pour tout le monde. Comment expliquez-vous la longévité de cet intérêt quasi passionnel ? Dominique Labarrière: Il se trouve que Tartuffe mêle deux thèmes qui sont, sinon éternels, du moins intemporels : l’hypocrisie et la dévotion, la soumission aveugle. Ce sont des sujets qui ne s’épuiseront jamais. L’hypocrisie est de tous les temps, de tous les régimes. On la rencontre dans toutes les couches de la société, tant dans la vie sociale que dans la vie privée. Tartuffe est l’archétype même de l’hypocrite, et Orgon, sa proie, le type même du dévot envoûté. Il est à ce point dépossédé de lui-même qu’il en devient incapable de mesurer à quel point Tartuffe le berne, le trompe, convoite ses biens - jusqu’à son épouse - et, finalement, vise à l’entraîner à sa perte, à sa ruine. La pièce Tartuffe est jouée à Versailles le 7 mai 1664 devant la cour lors de fêtes qui durent plusieurs jours et que le Roi voulait particulièrement somptueuses. 600 privilégiés y assistent. Dès le lendemain de la représentation, il fait interdire la pièce. Elle ne sera de nouveau jouée que cinq ans plus tard. On a tout dit sur cette interdiction soudaine. Qu’en est-il ? On a surtout dit n’importe quoi, si vous me permettez. Pour nos fascicules scolaires, la raison de l’interdiction serait que le Roi n’aurait pas aimé la pièce. Comme s’il était seulement concevable qu’il ne l’ait découverte que ce grand soir, sur scène, devant tous ces nobles ! Pour cette fastueuse « Fête des Plaisirs enchantés », la première de celles qu’il donnera à Versailles au cours de son règne, Louis a eu l’œil et la main sur tout. Il n’est pas une entrée de ballet qu’il n’ait supervisée. D’ailleurs, il en est un des acteurs principaux. Tout ce qui est dit dans les pièces que donnent alors Molière et ses comédiens - seuls auteur et troupe retenus pour ce très important événement - est parfaitement connu du Roi. Mieux encore, il est aujourd’hui acquis que Louis n’a pas été étranger au choix du thème. Le jeune Roi, l’hypocrisie, il connaît ! Il la vit et la subit grandeur nature en permanence. Enfant, fuyant les terribles troubles de la Fronde en compagnie de la Reine mère et de Mazarin, il a assisté aux revirements incessants des uns et des autres, des princes du sang, ses cousins, en particulier. Plus tard, en 1658, malade, on le crut perdu. Il Dominique Labarrière : « Le Roi, pourtant jeune encore, mais formé à l’école de Mazarin, ne l’oublions pas, nous livre ici une belle leçon politique. » Dans son nouveau livre, Dominique Labarrière nous invite à pénétrer les arcanes de l’une des affaires les plus étonnantes du règne de Louis XIV: l’affaire Tartuffe. Dès lemoment où cette piècemagistrale de Molière a été jouée, elle a suscité les controverses les plus vives et cela n’a pas cessé depuis. Débats littéraires, certes, mais aussi politiques et surtout religieux. En découvrir les tenants et aboutissants est non seulement passionnant, mais voilà une belle manière de clore l’année Molière qui s’achèvera avec 2022. « Le Roi a ri - Molière, Tartuffe, le Roi » de Dominique Labarrière est publié aux Éditions Rue Fromentin. Dominique Labarrière vous donne rendez-vous vendredi 9 décembre, entre 10h et 19h, à l’espace culturel Leclerc de Guérande pour une séance de dédicaces.

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